M.-A. Kaeser: De la mémoire à l’histoire

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Titel
De la mémoire à l’histoire : l’œuvre de Paul Vouga (1880–1940). Des fouilles de La Tène au « néolithique lacustre »


Herausgeber
Kaeser, Marc-Antoine
Reihe
Archéologie neuchâteloise 35
Erschienen
Neuchâtel 2006: Service et musée d'archéologie (Neuchâtel)
Anzahl Seiten
168 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Elena Burri-Wyser

Les articles de ce recueil s'attachent à replacer P. Vouga et ses recherches dans son contexte, hormis la contribution de J. Bujard, qui présente les interventions archéologiques faites sur les deux églises de Môtiers, notamment les fouilles initiées en 1995. L'évolution du savant suit le chemin inverse de celui adopté pour la présentation de l'ouvrage, qui est chronologique au niveau des périodes touchées, sauf la première étude de J. Bujard, et se termine par une biographie écrite par son fils. Dès sa thèse en philologie romane, P. Vouga propose une chronologie relative des deux églises de Môtiers confirmée par les travaux récents. Fils d’un des premiers fouilleurs du site de La Tène, il participe à la reprise des fouilles en 1907 et est nommé secrétaire de la Commission de fouilles du site. La Société d'Histoire et d'Archéologie, dont elle émane, joue un rôle très actif dans les débuts des recherches lacustres, depuis les années 1880, comme le rappelle P. Y. Chatelain. Les liens se distendent et la Commission prend son autonomie tandis que son orientation scientifique ne répond plus que très lointainement aux objectifs de glorification du passé de la Société. La collaboration entre archéologues et historiens s'éteint avec la mort de P. Vouga. G. Kaenel décrit la publication du site de La Tène en 1923, en remarquant que P. Vouga postule la contemporanéité des dépôts et leur remaniement postérieur, limitant toute observation stratigraphique. Tout en soulignant les contradictions qui parcourent cette publication, G. Kaenel rappelle qu'elle est toujours incontournable en l'absence de reprise des études, ce qui a changé entre-temps grâce à un programme du FNRS initié depuis la parution de cet hommage. C. Dunning présente les recherches systématiques effectuées dès les années 1910 par P. Vouga sur les tumuli du Premier âge du Fer, en parallèle avec les fouilles lacustres. Malgré des stratégies adaptées aux différents contextes, des descriptions très précises, des études anthropologiques méticuleuses, ces fouilles ne permettent pas de résoudre les problèmes de diachronie. En effet, l'archéologue postule la contemporanéité de toutes les tombes d'un tumulus, d'où une certaine négligence dans la description et la conservation du matériel.

Finalement, le parcours scientifique de P. Vouga connaît son apogée dans les recherches lacustres et singulièrement la chronologie interne du Néolithique. N. Coye adopte un point de vue épistémologique en montrant que si le concept de culture archéologique était formulé depuis le début du 20e s., les classifications typologiques lacustres fondées sur les collections muséographiques au contexte souvent mal établi se trouvaient en conflit avec la démarche stratigraphique utilisée pour le Paléolithique supérieur. Le savant neuchâtelois prône la complémentarité entre visions verticales et horizontales, avec le décapage de chaque couche l'une après l'autre. Dans une telle démarche empirique, la fouille qui fait office d'expérience renouvelable est l'acte déterminant qui doit être en adéquation avec le gisement. Ensuite, l'étude du matériel par couche et les comparaisons procèdent de la démarche typologique classique, à laquelle il intègre des études techniques, les provenances des matières premières … P. Vouga s’appuie sur cette base pour proposer une classification interne au Néolithique. C. Wolf replace ses résultats dans la science de l'époque et s'interroge sur l'adoption très rapide de l'approche stratigraphique et de la partition en deux du Néolithique. Il montre, à l'aide d'une correspondance inédite, l'antagonisme qui oppose le savant neuchâtelois à H. Reinerth. Ce dernier, adepte du national-socialisme, ramène les phénomènes culturels européens à des extensions plus ou moins larges de cercles culturels originaires d'Europe du nord, alors que la position de P. Vouga autorise le maintien de la spécificité du phénomène lacustre. Pour commencer, M. A. Kaeser met en perspective l'apport du savant neuchâtelois dans l'histoire de l'archéologie, dans la continuité des travaux pionniers de C. Desor, entre autres, qui amène la précision des sciences naturelles et crée une science préhistorique avec l'établissement des premières typologies et les premiers relevés stratigraphiques. Après l'ère de P. Vouga, la période d'avant-guerre et de guerre marque une certaine régression et c'est le renouveau de l'archéologie préhistorique en Suisse, lié aux grands travaux de génie civil, qui permet la redécouverte du savant. Ce premier article, qui pourrait faire office de conclusion, se termine sur un résumé et une mise en perspective des autres textes.

Les contributions réunies forment un portrait complet du parcours de P. Vouga, de ses méthodes, de ses apports, mais aussi des lacunes de ses recherches. Elles montrent l'importance fondamentale du contexte politique, scientifique et culturel dans les progrès de l'archéologie, qui comme toute science, participe de son temps et devraient amener à une certaine humilité des chercheurs face à leurs techniques et interprétations. Pour finir, et pour insérer le travail de P. Vouga dans le courant des recherches actuelles, ce qui manque quelque peu, rappelons que la démarche empirique fondée sur l'acquisition des données à la fouille, la dialectique entre diachronie et synchronie, entre visions horizontales et verticales, ainsi que les typologies intégrant technique, style et matières premières, reste la base des recherches en archéologie préhistorique. C'est toujours sur celle-ci que se construisent interprétations et analyses, même si les surfaces se sont agrandies, avec des études maintenant appréhendées au niveau du village, voire de la région, et des études plus contextuelles: spatiales, environnementales ou ethnologiques entre autres.

Zitierweise:
Elena Burri-Wyser: Rezension zu: Marc-Antoine Kaeser (dir.) De la mémoire à l’histoire : l’œuvre de Paul Vouga (1880–1940). Des fouilles de La Tène au « néolithique lacustre ». Archéologie neuchâteloise 35. Neuchâtel 2006. Zuerst erschienen in: Jahrbuch Archäologie Schweiz, Nr. 94, 2011, S. 309-310.

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Zuerst veröffentlicht in

Jahrbuch Archäologie Schweiz, Nr. 94, 2011, S. 309-310.

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